Se traiter par les plantes, moins dangereux ?
Publié le 22 Mars 2013
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« Vrais » médicaments versus traitements à base de plante ? Quelle différence ?
Dans les deux cas l’objectif est le même : soigner, soulager, prévenir ou guérir…
Ne soyons pas candides, dans les deux cas il y a aussi des enjeux économiques à différents niveaux (pré production, production, distribution, prescription)
Mais il y a beaucoup de différences. Citons les principales :
- les conditions de mises sur le marché.
- le recueil scientifique des effets positifs, thérapeutiques.
- la qualité scientifique de l’étude des effets secondaires/tolérance ou des effets indésirables et des interactions médicamenteuses.
Pour les médicaments traditionnels, les conditions sont administrativement (et probablement scientifiquement) plus rigoureuses.
Cependant la participation des investissements lourds, notamment pré-cliniques, pourraient potentiellement « assouplir » certains seuils décisionnels et altérer la qualité de l’étude sur ces trois postes. Il est trop tôt pour conclure sur les procédures en cours sur certains médicaments. De même certains scientifiques ont parfois fraudé (lire ici ).
On peut estimer que ces dérapages concernent une portion infime de la pharmacopée, des études scientifiques et des laboratoires, notamment grâce à la mondialisation. Les informations diffusent plus vite, plus largement, et les critiques et corrections aussi.
Les dangers et l’ efficacité sont en principe bien identifiés et la loi veille mais est-ce suffisant ?
Pour les traitements à base de plantes médicinales, l’absence d’études est majoritaire, ou des études tronquées, les dangers et l’ efficacité sont surement moins bien étayés et la tradition pluriséculaire est alors mise en avant, mais est ce suffisant ?
Prenons quelques exemples, de médicaments traditionnels, de traitement à base de plantes, de plantes, de médicaments traditionnels issus de plantes. Nous verrons qu’entre les différentes familles de médications, les frontières sont floues, intriquées et que la prudence doit primer.
Les « vrais » médicaments listés dans le grand livre rouge (celui de Mao Tsé Toung n’a aucun intérêt dans ce billet, nous parlons ici du célèbre Vidal®) ont pour la plupart été étudiés avant commercialisation et parfois après, avec recueil plus ou moins efficace de pharmacovigilance. Et la plupart de ces traitements ont eu une procédure complexe d’A.M.M. ( Autorisation de Mise sur le Marché, lire ici)
Les exemples récents (le médiator®, les pilules de 3è et 4 è G) ont montré que ce n’était pas la panacée. Mise sur le marché discutable pour le première exemple, mauvaises interprétations des recommandations par les prescripteurs pour le deuxième exemple.
Pour les traitements à base de plantes, même si leur existence ancestrale peut rassurer, la pharmacovigilance est souvent inexistante. Les études sur leurs effets positifs( thérapeutiques) et négatifs(effets indésirables) sont particulièrement peu nombreuses. Ce n’est pas parce que il n y a pas de notice, ou une liste d’effets indésirables quasi vide, que les risques sont nuls. Certes avec l’absence de notice trop détaillée on évite l’effet « Nocebo » mais est ce acceptable ?
Rappelons que dans nos jardins, le gui, le muguet sont de puissants toxiques, parfois mortels pour nos enfants (le premier mai approche, vigilance). Rappelons nous de Socrate et sa cigüe…
Par ailleurs, la fronitère entre ces deux groupes est parfois ténue : nombreux médicaments dits « traditionnels » sont issus de plantes.
-La digitale pourpre a donné la digoxine® ,et la digitaline®, aux effets cardiotoniques indéniables. Sa prescription est délicate car la dose thérapeutique est très proche de le dose toxique voire mortelle.
-Le millepertuis de nos jardins, appelée « herbe de la Saint jean » cache derrière ses belles pétales jaunes printanières, de la sérotonine, et agit comme les antidépresseurs « sérotoninergiques », avec les mêmes risques de surdosage et d’intoxication. Lire ici la description de la revue indépendante Prescrire.
Certaines plantes médicinales sont connues pour leur effet bénéfique supposé mais parfois les doses proposées sont insuffisantes, exemple le cranberry et les infections urinaires. Efficacité probable, mais surement une efficacité « dose dépendante » : lire ici. Prendre de trop petites doses ne sert probablement à rien. Mais traiter aveuglément une cystite récidivante par des prescriptions itératives d'antibiotiques est tout aussi critiquable.
Certaines plantes médicinales se révèlent trop tardivement toxiques : En 1992, une centaine de cas d'insuffisances rénales se déclare en Belgique, avec un point commun: la prise d’herbes chinoises…la relation de cause à effet a été décrite dans un article de The Lancet, journal scientifique de référence, par le Pr Vanherweghem, de l'hôpital Erasme, à Bruxelles.
D'autres plantes sont très efficaces mais souvent aussi dangereuses que les médicaments traditionnels : exemple la levure de riz rouge : lire ici.
Lire aussi cette publication,ici, où on peut s'interroger sur la composition réelle de certains gélules/plantes.
Un dernier rappel, même l’inoffensif pamplemousse (en apparence) a des interactions parfois dangereuses avec les médicaments, lire ici.
Patients, informer votre médecin de votre traitement à base de plantes, et sachez que malgré son grand savoir, il ne pourra garantir sa parfaite innocuité.
Le médecin n’est pas toujours certain de l’innocuité de médicaments traditionnels, il risque d’être encore moins serein avec les thérapeutiques à base de plantes.
Soyons prudents avec les pilules à base de plantes (comme avec tous les autres traitements).
Dr F Dussauze médecin généraliste 92 1 14562 9
Conflits d’intérêts : l’auteur n’a pas transmis de conflits d’intérêts concernant les données diffusées dans cette interview ou publiées dans la référence citée.
Cet article est issu d’une expérience de terrain, il existe d’autres produits, et d’autres protocoles de prise en charge